Toussaint : Fête catholique, instituée au VIIIe s., qui se célèbre le 1er novembre en l'honneur de tous les saints et qui anticipe en fait sur le jour des morts, célébré officiellement le 2 novembre (Larousse)
C'est cette petite annonce, parue dans Libération le 10 octobre — ou peut-être ce tweet qui la reprend —, qui est à l'origine d'un petit buzz médiatique. Depuis, son auteur a fait le tour des médias : Presse écrite, radio, et TV. Celui qui se disait inconnu, anonyme, voire délaissé, était partout ! Vous n'avez pas pu passer à côté. Peut-être avez-vous même lu son roman, Ann, au cœur de ce coup de com'.
Aujourd'hui, je vous propose de revenir à la fois sur le buzz...Et sur ce livre que j'ai lu et apprécié. Triptyque ou triathlon, je vous laisse choisir l'image, ce post s'articule en 3 parties : analyse du buzz, avis sur le livre, interview de l'auteur.
...Pour un total d'environ 15 000 signes [Que voulez-vous, je ne reviens pas pour rien ! ^^]
Prêts ? Inspirez. Expirez. Lisez ;)
Aujourd'hui, je vous propose de revenir à la fois sur le buzz...Et sur ce livre que j'ai lu et apprécié. Triptyque ou triathlon, je vous laisse choisir l'image, ce post s'articule en 3 parties : analyse du buzz, avis sur le livre, interview de l'auteur.
...Pour un total d'environ 15 000 signes [Que voulez-vous, je ne reviens pas pour rien ! ^^]
Prêts ? Inspirez. Expirez. Lisez ;)
Samedi ordinaire, buzz en perspective
Samedi 10 octobre, 14h30 environ. Je me réveille doucement, pour la deuxième fois de la journée. La semaine a été longue et chargée de déception : J’avais commencé à me projeter sur plusieurs plans, finalement rien ne se fera. Alors ce soir, on sort. Plus pour compenser qu’oublier. D’ici là, il faut que je travaille un peu : Je me saisis de ce texte de Judith Butler absolument indigeste et auquel je ne comprends rien. Pire, j’ai l’impression qu’elle se répète beaucoup et que ça ne veut rien dire. Tout ce que je retiens c’est le concept de performativité. Ça risque d’être un peu juste pour l’exposé.
J’abandonne. Je prends mon portable et je consulte mes notifications. Je vais sur Twitter. Je consulte mes listes puis ma TL. Je lis deux trois articles (Ou comment se donner bonne conscience en pleine procrastination.) Il est maintenant un peu plus de 15H, j’actualise ma TL. Je vois passer un tweet de Cyril Petit : Fabrice Guénier, en lice pour le Renaudot avec son roman Ann, publie une annonce dans Libération pour demander à être interviewé. Je trouve ça drôle. Je veux dire, bien sûr cela traduit une détresse…mais ça pourrait marcher. Je RT.
Quelques heures plus tard, un peu avant de sortir, je vois passer un article d’Arrêt sur Images qui rend compte de l’annonce. Ça y est, la machine est lancée. ...Par curiosité, je regarde rapidement si Fabrice Guénier a un compte Twitter [Je n’aime pas le téléphone. La sensation doublement désagréable de parler à un mur, et d’être sur écoute.] …Oui, il en a un. On tente ?
J’abandonne. Je prends mon portable et je consulte mes notifications. Je vais sur Twitter. Je consulte mes listes puis ma TL. Je lis deux trois articles (Ou comment se donner bonne conscience en pleine procrastination.) Il est maintenant un peu plus de 15H, j’actualise ma TL. Je vois passer un tweet de Cyril Petit : Fabrice Guénier, en lice pour le Renaudot avec son roman Ann, publie une annonce dans Libération pour demander à être interviewé. Je trouve ça drôle. Je veux dire, bien sûr cela traduit une détresse…mais ça pourrait marcher. Je RT.
Quelques heures plus tard, un peu avant de sortir, je vois passer un article d’Arrêt sur Images qui rend compte de l’annonce. Ça y est, la machine est lancée. ...Par curiosité, je regarde rapidement si Fabrice Guénier a un compte Twitter [Je n’aime pas le téléphone. La sensation doublement désagréable de parler à un mur, et d’être sur écoute.] …Oui, il en a un. On tente ?
Mimétisme des médias, tempête médiatique et conséquences.
Sur un blog hébergé par le Huffington Post, Fabrice Guénier raconte les répercussions de l'annonce, en citant les médias qui l’ont contacté. On retrouve par exemple : Les Inrocks, L'Obs, Le Huffington Post, Contrepoints, France Inter, Europe 1, La Radio Télévision Suisse, LCI, C à vous sur France 5, et Romain Hary (ex Le Petit Journal) pour le Tube de Canal+.
...Et évidemment, d’autres ne l’ont pas contacté, mais ont tout de même parlé de lui et de l'annonce.
Dans les médias, il y a ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Et/ou ceux qui, pressés, jouent les chevaliers blancs et ceux qui prennent un peu plus de recul, qui gardent une certaine distance. Comment faire la différence ?
1) Le temps d'antenne/la longueur des articles consacrés au sujet.
2) Dans le contenu : le fait de nuancer ou non le côté « médiatiquement délaissé » (En fait, Ann — sorti au printemps — avait fait l’objet d’une émission d’Olivier Barrot le 12 mai 2015, en plus d'avoir eu le droit à une page très élogieuse de Patrick Besson — juré au Renaudot —, dans le Point en juillet dernier.) Selon le cas, on insiste ou l'on évoque à titre anecdotique le passé professionnel de l’auteur (dans la pub.)
Le « cas Fabrice Guénier » se fait même remarquer à l'étranger et suscite des interrogations. Ainsi L'actualité, un site d'information québécois insiste sur le coût de l'opération : 100€, déboursés par le romancier, et non la maison d'édition. S'il se réjouit que cela ait fonctionné pour Fabrice Guénier, pour L'actualité, les auteurs de manière générale "en sortent perdants. [...] C’est à se demander s’ils ne devront pas bientôt devenir colporteurs et vendre leurs livres au coin des rues…"
Sur le site du journal canadien (anglophone) The Globe and Mail, l'écrivain Russell Smith se pose la question de la nécessité des critiques Amazon : Pourquoi ces petites étoiles, distribuées par des inconnus, souvent sans réelle justification sont-elles si importantes ? Pourquoi les auteurs y prêtent-ils attention ? Dans son article, il évoque alors le kerfuffle* qui a suivi la parution de l'annonce dans Libération. Et cette question : Pourquoi l'auteur se soucie-t-il autant de ce que pensent ces snobinards de critiques littéraires ?
Sa conclusion : Les critiques littéraires ont une influence sur le moral des écrivains tandis que les notations de "gens normaux" peuvent booster un peu les ventes.
*Si vous n'avez rien suivi jusque-là, vous pouvez traduire "kerfuffle" par "chahut" -> "buzz"...Je trouvais ça drôle...Bref.
Parfois, ces "gens normaux" qui distribuent de petites étoiles sur Amazon peuvent aussi laisser des commentaires plus ou moins élogieux, comme au bas de cet article paru en avril dernier sur le site de Toute La Culture.
...Et évidemment, d’autres ne l’ont pas contacté, mais ont tout de même parlé de lui et de l'annonce.
Dans les médias, il y a ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Et/ou ceux qui, pressés, jouent les chevaliers blancs et ceux qui prennent un peu plus de recul, qui gardent une certaine distance. Comment faire la différence ?
1) Le temps d'antenne/la longueur des articles consacrés au sujet.
2) Dans le contenu : le fait de nuancer ou non le côté « médiatiquement délaissé » (En fait, Ann — sorti au printemps — avait fait l’objet d’une émission d’Olivier Barrot le 12 mai 2015, en plus d'avoir eu le droit à une page très élogieuse de Patrick Besson — juré au Renaudot —, dans le Point en juillet dernier.) Selon le cas, on insiste ou l'on évoque à titre anecdotique le passé professionnel de l’auteur (dans la pub.)
Le « cas Fabrice Guénier » se fait même remarquer à l'étranger et suscite des interrogations. Ainsi L'actualité, un site d'information québécois insiste sur le coût de l'opération : 100€, déboursés par le romancier, et non la maison d'édition. S'il se réjouit que cela ait fonctionné pour Fabrice Guénier, pour L'actualité, les auteurs de manière générale "en sortent perdants. [...] C’est à se demander s’ils ne devront pas bientôt devenir colporteurs et vendre leurs livres au coin des rues…"
Sur le site du journal canadien (anglophone) The Globe and Mail, l'écrivain Russell Smith se pose la question de la nécessité des critiques Amazon : Pourquoi ces petites étoiles, distribuées par des inconnus, souvent sans réelle justification sont-elles si importantes ? Pourquoi les auteurs y prêtent-ils attention ? Dans son article, il évoque alors le kerfuffle* qui a suivi la parution de l'annonce dans Libération. Et cette question : Pourquoi l'auteur se soucie-t-il autant de ce que pensent ces snobinards de critiques littéraires ?
Sa conclusion : Les critiques littéraires ont une influence sur le moral des écrivains tandis que les notations de "gens normaux" peuvent booster un peu les ventes.
*Si vous n'avez rien suivi jusque-là, vous pouvez traduire "kerfuffle" par "chahut" -> "buzz"...Je trouvais ça drôle...Bref.
Parfois, ces "gens normaux" qui distribuent de petites étoiles sur Amazon peuvent aussi laisser des commentaires plus ou moins élogieux, comme au bas de cet article paru en avril dernier sur le site de Toute La Culture.
Vous avez remarqué vous aussi ? Bingo ! Les dates des commentaires sont toutes post-annonce et post-buzz. Et les plus anciens commentaires sont négatifs alors que les plus récents défendent le livre.
Explication : Qui se retrouve sous le feu des projecteurs attire inévitablement les trolls ! ...Ensuite, les fans finissent par se manifester pour rééquilibrer.
Enfin, au niveau des ventes.
Le Baromètre Ventes Fnac au 29 octobre affichait Ann en 36e position des romans francophones. (62e dans la catégorie roman) ...Au 31 octobre 2015, le roman se classe 22e du top 100 Fnac
A savoir qu'avant l’annonce, le livre atteignait presque 1000 exemplaires vendus. Depuis, Gallimard en a très vite fait retirer 2000. ...En comparaison, Les saintes (le premier roman de Fabrice Guénier, sorti en 2013) avait fait 350 ventes.
Le bilan de cette action est donc a priori positif : Une belle interview dans le Huffington Post, une séance de dédicaces organisée le 22 octobre, et des ventes qui décollent.
...Et pour couronner le tout : Le Figaro s'engage à lire le livre !
Explication : Qui se retrouve sous le feu des projecteurs attire inévitablement les trolls ! ...Ensuite, les fans finissent par se manifester pour rééquilibrer.
Enfin, au niveau des ventes.
Le Baromètre Ventes Fnac au 29 octobre affichait Ann en 36e position des romans francophones. (62e dans la catégorie roman) ...Au 31 octobre 2015, le roman se classe 22e du top 100 Fnac
A savoir qu'avant l’annonce, le livre atteignait presque 1000 exemplaires vendus. Depuis, Gallimard en a très vite fait retirer 2000. ...En comparaison, Les saintes (le premier roman de Fabrice Guénier, sorti en 2013) avait fait 350 ventes.
Le bilan de cette action est donc a priori positif : Une belle interview dans le Huffington Post, une séance de dédicaces organisée le 22 octobre, et des ventes qui décollent.
...Et pour couronner le tout : Le Figaro s'engage à lire le livre !
Et pour le prix Renaudot ? …Personnellement, au-delà de la « qualité du livre » dont je ne peux juger (même si j’ai aimé, et que je vous le recommande évidemment !) je doute que prix Renaudot et petit buzz médiatique soient compatibles.
En général, si buzz il y a, il vient après l'annonce du lauréat ...Par exemple en 2007 lorsqu'il y a soupçons (accusations) de manipulation du jury ou en 2013 lorsque Yann Moix reçoit le Renaudot pour Naissance, un pavé de plus de 1000 pages (pour 1,3kg) ...sachant que Twitter ne l'aimait — déjà -- pas à l'époque.
Mais sait-on jamais… Après tout, il fait partie des finalistes retenus au 27 octobre, donc il a ses chances.
Le lauréat sera connu le 3 novembre. (On compte les heures !) "Stay tuned" ;)
En général, si buzz il y a, il vient après l'annonce du lauréat ...Par exemple en 2007 lorsqu'il y a soupçons (accusations) de manipulation du jury ou en 2013 lorsque Yann Moix reçoit le Renaudot pour Naissance, un pavé de plus de 1000 pages (pour 1,3kg) ...sachant que Twitter ne l'aimait — déjà -- pas à l'époque.
Mais sait-on jamais… Après tout, il fait partie des finalistes retenus au 27 octobre, donc il a ses chances.
Le lauréat sera connu le 3 novembre. (On compte les heures !) "Stay tuned" ;)
On se fait un petit Débrief ?
Les médias ont tous dit ce qu’ils pensaient de l’annonce de Fabrice Guénier, de lui, et parfois de son livre. Mais lui, quel regard porte-t-il sur tout ceci ? Je me suis dit que ce serait intéressant d’avoir son point de vue, alors je lui ai posé quelques questions que voici :
Qu'est-ce qui a motivé votre démarche ? Quelles retombées espériez-vous ?
Un certain agacement, et de l’incompréhension surtout.
Je suis sans doute idéaliste encore, malgré les années, et je crois au contrat. Les nominations aux prix sont censées attirer la lumière sur une dizaine de titres et leurs auteurs, créer un événement. Dans mon cas, le spot devait être mal branché ou bien j’étais caché par les autres… ;) D’où l’idée de faire intrusion dans le débat par mes propres moyens. Un genre de bouteille à la mer, sous une forme pauvre, se rattachant à une tradition Dada, Situ, en décalage avec le contexte (Gallimard + Renaudot + petite annonce). En indiquant mon vrai numéro de téléphone, je « disruptais » aussi avec l’idée d’auteur en hauteur, à son écritoire dans sa tour. Je faisais la manche avec une pancarte autour du cou à la sortie du métro…
Une annonce dans Libération, mais aussi la création d'un compte Twitter. Avez-vous soudainement décidé de vous rendre visible, ou plutôt avez-vous enfin trouvé les moyens de le faire ?
J’avais déjà ouvert une page Facebook pour chacun de mes livres, afin de partager les infos ou critiques qui pouvaient intéresser des lecteurs. Twitter est un autre vecteur. Plus réactif, qui permet d’échanger des balles avec les gens qu’on cite. Ça m’a permis de toucher Frédéric Taddeï.
Le mot "réseau" tout seul est toujours drapé de majesté, « les réseaux du pouvoir », mais dès qu’on lui accole l’adjectif "sociaux" on sent bien qu’on descend pas mal de marches dans la bouche des journalistes, là on est tout de suite au guichet PMU ou dans la cour de récré du collège…
Depuis, selon Le Temps, votre téléphone ne cesse de sonner. Mais combien de ces appels viennent de critiques potentiels ? Votre petite annonce a fait parler d'elle... Mais toujours pas de votre livre. C'est vous, et votre action qui faites le buzz, et non votre œuvre. Qu'est-ce que vous en pensez ? Cela vous convient-il ?
Les choses avancent, et quand bien même il n’y en aurait eu qu’un, j’aurais quand même gagné un peu.
À l’heure qu’il est, plusieurs articles de blogueurs sont parus. Le bouche à oreille fonctionne. Ce sont les médias mainstream qui, à quelques exceptions, avec la plus belle mauvaise foi, arrive à dire « on » tout en étant dans le fauteuil de ce fameux « on »… Étant à la fois juges et partie en disant qu’on ne parle que du buzz, quand eux-mêmes ne parlent que de ça. C’est un grand classique contemporain de leur façon de faire.
Mais aujourd’hui, les gens lisent sans attendre qu’on le leur dise quoi lire. Internet permet une information alternative, les gens l’ont bien compris.
Ma démarche a plutôt suscité la sympathie chez ces gens, du coup ils ont envie de voir par eux-mêmes. Comme je le dis dans le Huffington Post, j’ai passé du temps avec chacun, sans hiérarchie, et ça fonctionne. C’est rassurant de voir que la sincérité se voit.
Qu'est-ce qui a motivé votre démarche ? Quelles retombées espériez-vous ?
Un certain agacement, et de l’incompréhension surtout.
Je suis sans doute idéaliste encore, malgré les années, et je crois au contrat. Les nominations aux prix sont censées attirer la lumière sur une dizaine de titres et leurs auteurs, créer un événement. Dans mon cas, le spot devait être mal branché ou bien j’étais caché par les autres… ;) D’où l’idée de faire intrusion dans le débat par mes propres moyens. Un genre de bouteille à la mer, sous une forme pauvre, se rattachant à une tradition Dada, Situ, en décalage avec le contexte (Gallimard + Renaudot + petite annonce). En indiquant mon vrai numéro de téléphone, je « disruptais » aussi avec l’idée d’auteur en hauteur, à son écritoire dans sa tour. Je faisais la manche avec une pancarte autour du cou à la sortie du métro…
Une annonce dans Libération, mais aussi la création d'un compte Twitter. Avez-vous soudainement décidé de vous rendre visible, ou plutôt avez-vous enfin trouvé les moyens de le faire ?
J’avais déjà ouvert une page Facebook pour chacun de mes livres, afin de partager les infos ou critiques qui pouvaient intéresser des lecteurs. Twitter est un autre vecteur. Plus réactif, qui permet d’échanger des balles avec les gens qu’on cite. Ça m’a permis de toucher Frédéric Taddeï.
Le mot "réseau" tout seul est toujours drapé de majesté, « les réseaux du pouvoir », mais dès qu’on lui accole l’adjectif "sociaux" on sent bien qu’on descend pas mal de marches dans la bouche des journalistes, là on est tout de suite au guichet PMU ou dans la cour de récré du collège…
Depuis, selon Le Temps, votre téléphone ne cesse de sonner. Mais combien de ces appels viennent de critiques potentiels ? Votre petite annonce a fait parler d'elle... Mais toujours pas de votre livre. C'est vous, et votre action qui faites le buzz, et non votre œuvre. Qu'est-ce que vous en pensez ? Cela vous convient-il ?
Les choses avancent, et quand bien même il n’y en aurait eu qu’un, j’aurais quand même gagné un peu.
À l’heure qu’il est, plusieurs articles de blogueurs sont parus. Le bouche à oreille fonctionne. Ce sont les médias mainstream qui, à quelques exceptions, avec la plus belle mauvaise foi, arrive à dire « on » tout en étant dans le fauteuil de ce fameux « on »… Étant à la fois juges et partie en disant qu’on ne parle que du buzz, quand eux-mêmes ne parlent que de ça. C’est un grand classique contemporain de leur façon de faire.
Mais aujourd’hui, les gens lisent sans attendre qu’on le leur dise quoi lire. Internet permet une information alternative, les gens l’ont bien compris.
Ma démarche a plutôt suscité la sympathie chez ces gens, du coup ils ont envie de voir par eux-mêmes. Comme je le dis dans le Huffington Post, j’ai passé du temps avec chacun, sans hiérarchie, et ça fonctionne. C’est rassurant de voir que la sincérité se voit.
Moi, critique littéraire?
Non. Je ne suis pas — encore — journaliste. Et encore moins critique littéraire. Néanmoins, ayant lu ce livre, je peux essayer de vous donner mon avis et mes impressions sur Ann... En espérant vous transmettre l'envie de le lire, car j'ai pour ma part beaucoup aimé ce livre !
Peut-on à cinquante ans passés se sentir l’orphelin d’une gamine de vingt-trois ans ?
La mort n’est pas le mystère.
Le mystère c’est la vie qui continue. Le mystère c’est, comment ?
Ann raconte l’histoire d’amour entre une jeune prostituée thaïe de 23 ans et un Français âgé d’environ 50 ans.
Habituellement, quand je parle d'un livre ou d'un film j'ai toujours peur d'en dire trop, de spoiler un peu, de dévoiler l'intrigue. Mais ici aucun suspense. Tout est clair, tout est dit dès les premières pages : Cette histoire se finit mal. Ann est morte. Pour moi c’est comme ça que commence le roman : « Tu es morte. C’est plat. C’est cru. C’est net. »
Il ne sert à rien de le nier. Alors, pourquoi continuer à lire ?
Pour elle. Pour le personnage. Un personnage décrit comme enfantin, mais au lourd passé. Une jeune femme au présent peu glorieux et à l’avenir incertain puis tragique. Et qui pourtant continue de sourire, coute que coute. « Parce que la vie était drôle. Toujours. »
Ann est un de ces écrits qui mythifient la femme. Elle est l’obsession du narrateur qui arrive à nous la rendre fascinante. On la découvre, on apprend à l’aimer. Si bien que nous aussi, on a du mal à la quitter.
Habituellement, quand je parle d'un livre ou d'un film j'ai toujours peur d'en dire trop, de spoiler un peu, de dévoiler l'intrigue. Mais ici aucun suspense. Tout est clair, tout est dit dès les premières pages : Cette histoire se finit mal. Ann est morte. Pour moi c’est comme ça que commence le roman : « Tu es morte. C’est plat. C’est cru. C’est net. »
Il ne sert à rien de le nier. Alors, pourquoi continuer à lire ?
Pour elle. Pour le personnage. Un personnage décrit comme enfantin, mais au lourd passé. Une jeune femme au présent peu glorieux et à l’avenir incertain puis tragique. Et qui pourtant continue de sourire, coute que coute. « Parce que la vie était drôle. Toujours. »
Ann est un de ces écrits qui mythifient la femme. Elle est l’obsession du narrateur qui arrive à nous la rendre fascinante. On la découvre, on apprend à l’aimer. Si bien que nous aussi, on a du mal à la quitter.
Avec Ann j’avais dix millions d’images. J’en aurais voulu un milliard d’autres. J’avais passé moins d’un an à ses côtés. Mille jours depuis que je la connaissais. Je voulais la voir devenir vieille, laide et moche, et toujours drôle. Et parfaite.
Gamine et sérieuse.
Sexy, sage.
Légère et maternelle.
Les images. Elles sont omniprésentes. C’est l’une des particularités de ce livre : On voit. On vit.
On voit tout : la Thaïlande, la chambre, l’hôpital, l’urne. On vit l’histoire.
Dans cette histoire tout est beau, tout est magique, sacré et superstitieux, exotique, dur, glauque…réel.
« Un monde autiste et pur. À l’abri des concepts. Juste : être, faire. »
Au niveau du style on joue sur les sonorités, avec des répétitions, des anaphores. C’est agréable à lire.
Enfin, Il y aussi ces quelques phrases-clées qui reviennent parfois :
« I have to take care of my body »
« On ne jouait pas et pourtant rien avait l'air réel »
« Je me souviendrais toujours de toi comme d’une fille qui savait tout danser. »
Elles ponctuent le roman...à la manière d'une chanson, sa chanson : la ballade d'Ann.
On voit tout : la Thaïlande, la chambre, l’hôpital, l’urne. On vit l’histoire.
Dans cette histoire tout est beau, tout est magique, sacré et superstitieux, exotique, dur, glauque…réel.
« Un monde autiste et pur. À l’abri des concepts. Juste : être, faire. »
Au niveau du style on joue sur les sonorités, avec des répétitions, des anaphores. C’est agréable à lire.
Enfin, Il y aussi ces quelques phrases-clées qui reviennent parfois :
« I have to take care of my body »
« On ne jouait pas et pourtant rien avait l'air réel »
« Je me souviendrais toujours de toi comme d’une fille qui savait tout danser. »
Elles ponctuent le roman...à la manière d'une chanson, sa chanson : la ballade d'Ann.
Moi, lectrice... curieuse.
.Sans carte de presse, mais avec quelques questions en tête, j'ai contacté Fabrice Guénier et il a gentiment pris le temps de me répondre. :)
C’est une histoire vraie. Mais ce n’est pas un « témoignage », c’est un « roman ». Quelle est la part de fiction ?
Aucune.
Certaines scènes peuvent amalgamer plusieurs moments, mais tout ce qui est raconté s’est passé.
Tout est dans des carnets, notés au fur et à mesure, pour garder trace des détails, des sensations, des particularités. À part la pub, dont on a beaucoup parlé, je viens de la photo, ma première ambition artistique, et quand on fait une photo d’un endroit, d’une personne, il faut être dans l’endroit, ou devant la personne, c’est le seul art qui exige ça. J’en ai gardé l’idée, mais avec des mots.
Je me rends compte que j’écris surtout pour moi, en ce sens que je suis incapable de modifier un prénom, alors que personne ne s’en rendrait compte. Il y a juste un passage ou j’ai utilisé des ***, parce que cette personne existe, est française, et que ça aurait été compliqué pour la fille dont je parle.
Est-ce qu’Ann est un « personnage », atypique ? ... Le fait de révéler son douloureux passé tout en décidant de garder le pire pour elle et s’efforcer de sourire. Est-ce Ann, ou la Thaïlande ? Est-ce elle, ou est-ce culturel ?
La Thaïlande est ainsi. Ann est purement thaïe. « Personne ne pleure, ni ne se plaint », comme le chante Manset dans Royaume de Siam. Chaque vie est méritée et il appartient à chacun de bien se comporter pour progresser.
Le sourire fait partie de la culture thaïe, À quoi sert de se plaindre ? On aurait beaucoup à apprendre, avec nos pharmacies tous les dix mètres.
Cette attitude, qu’ils partagent tous, apporte une grande paix existentielle, même, et surtout, face à la mort.
On dit que si un mur barre la route d’un Thaï qui marche sur un chemin, le Thaï s’assiéra et attendra que le mur tombe, quand nous, nous essaierons par tous les moyens de le détruire, de l’escalader, de le contourner…
Pourquoi rester ? Pourquoi rester jusqu’au bout et même après ?
Comme je le dis dans le livre : il n’y avait pas de tri à faire dans ce qu’elle me donnait, chaque seconde de plus comptait.
Elle savait mieux que moi, dans beaucoup de domaines, et là où elle était je devais y être aussi.
Ils savent mieux que nous pour toutes ces choses. Les cérémonies de crémations étaient d’une grande beauté, "l’enterrement d’une princesse égyptienne ", et tout ça apaisait, même moi, qui n’en comprenais pas le quart. Cette acceptation des choses. Ce : "ce qui est, est". Rien n’était morbide, tout était exactement réel.
C’est la force des sociétés traditionnelles, le monde existe encore, quand chez nous il s’éloigne chaque jour un peu plus dans sa "représentation", comme l’a dit Debord.
Tenir et trier ce qui restait de son corps brûlé, la porter dans une urne, tout était sacré et simple à la fois.
Ce sont les passages que je trouve les plus réussis, parce que détachés et précis. On flotte dans une sorte de rêve éveillé, ce qu’est la vie, selon les bouddhistes
Pourquoi ce choix de mêler les langues, sans forcément tout traduire ? C’est un risque. Ce ne sont que quelques mots, quelques phrases, mais celui qui y est tout à fait étranger peut déjà s’en retrouver agacé. Vous y aviez pensé ? Vous vous étiez posé la question, ou pas du tout ?
Oui. Pour rendre l’exotisme, l’étrangeté. Qu’on perde pied un peu aussi, comme lorsqu’on voyage vraiment.
Les italiques, pour les expressions ou les nominalismes thaïlandais, m’auraient gêné, en rendant ça trop "guide touristique".
Ce n’est pas grave si parfois on ne comprend pas ou s’il faut faire un effort.
En anglais, quand les phrases étaient trop longues, je les ai traduites, mais rarement, ou bien j’ai explicité en les paraphrasant. Pour le reste, c’était un anglais, me semble-t-il, assez simple.
J’ai le souvenir que dans le Nom de la rose, Umberto Eco, laisse de longs passages en latin, et ça fonctionne. On comprend qu’on est devant des discussions d’érudit, parce que justement on ne comprend pas.
Pourquoi ce livre est-il si important ? Pourquoi se battre pour lui ?
Pour elle. Pour qu’on sache sa vie.
Et derrière elle, la vie de toutes ces filles. Même si c’était plutôt le sujet des Saintes.
Au-delà des ventes et des prix, possibles ou non, mon souhait secret le plus cher serait que le livre soit traduit dans sa langue, dans son pays ; pour lui rendre hommage chez elle. Pour sa famille, ses amies, son fils. « Everybody love Ann » disait son frère, comme je le raconte.
Elle m’a donné, à moi — et à d’autres —, tellement, que je ne ferais jamais assez. Comme je l’ai dit ailleurs : je ne joue pas, et à rien.
Dernier chapitre « Quand je reviendrai »... Vous en avez vraiment l’intention ?
Bien sûr que j’y retournerais.
Pour la voir, voir son pays, son fils, sa famille, ses amies. C’est juste une question de moyens.
C’est une histoire vraie. Mais ce n’est pas un « témoignage », c’est un « roman ». Quelle est la part de fiction ?
Aucune.
Certaines scènes peuvent amalgamer plusieurs moments, mais tout ce qui est raconté s’est passé.
Tout est dans des carnets, notés au fur et à mesure, pour garder trace des détails, des sensations, des particularités. À part la pub, dont on a beaucoup parlé, je viens de la photo, ma première ambition artistique, et quand on fait une photo d’un endroit, d’une personne, il faut être dans l’endroit, ou devant la personne, c’est le seul art qui exige ça. J’en ai gardé l’idée, mais avec des mots.
Je me rends compte que j’écris surtout pour moi, en ce sens que je suis incapable de modifier un prénom, alors que personne ne s’en rendrait compte. Il y a juste un passage ou j’ai utilisé des ***, parce que cette personne existe, est française, et que ça aurait été compliqué pour la fille dont je parle.
Est-ce qu’Ann est un « personnage », atypique ? ... Le fait de révéler son douloureux passé tout en décidant de garder le pire pour elle et s’efforcer de sourire. Est-ce Ann, ou la Thaïlande ? Est-ce elle, ou est-ce culturel ?
La Thaïlande est ainsi. Ann est purement thaïe. « Personne ne pleure, ni ne se plaint », comme le chante Manset dans Royaume de Siam. Chaque vie est méritée et il appartient à chacun de bien se comporter pour progresser.
Le sourire fait partie de la culture thaïe, À quoi sert de se plaindre ? On aurait beaucoup à apprendre, avec nos pharmacies tous les dix mètres.
Cette attitude, qu’ils partagent tous, apporte une grande paix existentielle, même, et surtout, face à la mort.
On dit que si un mur barre la route d’un Thaï qui marche sur un chemin, le Thaï s’assiéra et attendra que le mur tombe, quand nous, nous essaierons par tous les moyens de le détruire, de l’escalader, de le contourner…
Pourquoi rester ? Pourquoi rester jusqu’au bout et même après ?
Comme je le dis dans le livre : il n’y avait pas de tri à faire dans ce qu’elle me donnait, chaque seconde de plus comptait.
Elle savait mieux que moi, dans beaucoup de domaines, et là où elle était je devais y être aussi.
Ils savent mieux que nous pour toutes ces choses. Les cérémonies de crémations étaient d’une grande beauté, "l’enterrement d’une princesse égyptienne ", et tout ça apaisait, même moi, qui n’en comprenais pas le quart. Cette acceptation des choses. Ce : "ce qui est, est". Rien n’était morbide, tout était exactement réel.
C’est la force des sociétés traditionnelles, le monde existe encore, quand chez nous il s’éloigne chaque jour un peu plus dans sa "représentation", comme l’a dit Debord.
Tenir et trier ce qui restait de son corps brûlé, la porter dans une urne, tout était sacré et simple à la fois.
Ce sont les passages que je trouve les plus réussis, parce que détachés et précis. On flotte dans une sorte de rêve éveillé, ce qu’est la vie, selon les bouddhistes
Pourquoi ce choix de mêler les langues, sans forcément tout traduire ? C’est un risque. Ce ne sont que quelques mots, quelques phrases, mais celui qui y est tout à fait étranger peut déjà s’en retrouver agacé. Vous y aviez pensé ? Vous vous étiez posé la question, ou pas du tout ?
Oui. Pour rendre l’exotisme, l’étrangeté. Qu’on perde pied un peu aussi, comme lorsqu’on voyage vraiment.
Les italiques, pour les expressions ou les nominalismes thaïlandais, m’auraient gêné, en rendant ça trop "guide touristique".
Ce n’est pas grave si parfois on ne comprend pas ou s’il faut faire un effort.
En anglais, quand les phrases étaient trop longues, je les ai traduites, mais rarement, ou bien j’ai explicité en les paraphrasant. Pour le reste, c’était un anglais, me semble-t-il, assez simple.
J’ai le souvenir que dans le Nom de la rose, Umberto Eco, laisse de longs passages en latin, et ça fonctionne. On comprend qu’on est devant des discussions d’érudit, parce que justement on ne comprend pas.
Pourquoi ce livre est-il si important ? Pourquoi se battre pour lui ?
Pour elle. Pour qu’on sache sa vie.
Et derrière elle, la vie de toutes ces filles. Même si c’était plutôt le sujet des Saintes.
Au-delà des ventes et des prix, possibles ou non, mon souhait secret le plus cher serait que le livre soit traduit dans sa langue, dans son pays ; pour lui rendre hommage chez elle. Pour sa famille, ses amies, son fils. « Everybody love Ann » disait son frère, comme je le raconte.
Elle m’a donné, à moi — et à d’autres —, tellement, que je ne ferais jamais assez. Comme je l’ai dit ailleurs : je ne joue pas, et à rien.
Dernier chapitre « Quand je reviendrai »... Vous en avez vraiment l’intention ?
Bien sûr que j’y retournerais.
Pour la voir, voir son pays, son fils, sa famille, ses amies. C’est juste une question de moyens.
Quelle était la conclusion de l'article d’Arrêt sur Images déjà ?
"Si quelques critiques littéraires influents lisent les petites annonces de Libé, cela pourrait devenir l'opération de communication la plus rentable de l'année."
Rien à ajouter. (Si ce n'est : Lisez !)
"Si quelques critiques littéraires influents lisent les petites annonces de Libé, cela pourrait devenir l'opération de communication la plus rentable de l'année."
Rien à ajouter. (Si ce n'est : Lisez !)
A bientôt ;)
Lo.LA
Lo.LA